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Le theâtre de l’éclat

February 21, 2015 12:28 am Published by

Le theatre de l'eclat – Week-end fest

Qu’est-ce-qui fige l’instant ? Qu’est-ce-qui tresse les moments d’éclats, où le réel s’intensifie ? Alors que les évènements récents dérobent le sol sous moi et que je dois, comme bon nombre, travailler à une nouvelle grille de lecture du monde qui prenne en compte les changements récents de paradigme et que je m’interroge sur la culture et le sens de nos métiers, sort une vidéo rétrospective du festival Week-End à Cologne où je suis allée au mois de novembre 2014, qu’accompagne un morceau extrêmement mélancolique d’Amen Dunes.

Comme producteurs et diffuseurs de performances, d’évènements, notre métier, notre action, tiens sur l’idée de microtopie : la création d’espaces temporaires où les idées se diffusent et les personnes se relient. Sans œuvres, sans matérialisation de l’esprit, sans les risques pris par les artistes pour donner du monde une écriture propre, nous ne serions que des flux de pensée célibataires, sans possibilités de se relier. La culture, comme ensemble d’œuvres, forme un espace de la même façon qu’une bibliothèque, par ses îlots d’objets, forme un territoire d’idées.

Cet espace est d’abord celui de l’individu, dans le sens ou la combinaison des œuvres qui nous croise est unique. Il est aussi la somme des espaces que nous formons avec les œuvres, ces triangles de mystère qu’évoque Magritte (1). Il est aussi ces moments, comme Week-End festival, comme d’autres évènements, où l’émotion vécue avec l’œuvre peut ouvrir l’éclat comme un espace partagé et, devenant un marqueur commun, une expérience partagée, donner assise à une communauté, jouant un rôle autant esthétique que social.

Former lieu : le travail et le soin que déploient Jan, Joerg et Theresa pour le festival Week-End, comme celui de nombreuses personnes avec qui je suis amenée à être en échange par mes activités, se fonde sur le désir de donner espace aux éclats qui nous habitent, et de réunir dans une temporalité une communauté d’habités. Ces lieux, au contraire des sanctuaires et des musées, sont en mouvement, ouvrant ainsi à l’intensité comme à sa fermeture et sa perte – la nostalgie du morceau d’Amen Dunes. Mais lorsqu’il prend théâtre, l’éclat relève le réel en y accolant une couche de beauté, d’âme et de réunion aujourd’hui plus qu’essentielle, donnant espace et présence à ce qu’il y a en nous de plus profond et d’inépelé, ainsi qu’à sa possibilité de le partager.

Croire. Malgré tout. En l’émotion, son partage et sa circulation, en continuant à agir dans l’échelle qui nous est donnée. Et travailler, quand nous le pouvons, à ouvrir ces espaces d’éclats et de communauté.

  • Week-End festival, Stadthall Mülheim, direction artistique Jan Lankisch. Images : Janosch Pugnaghi & Viktor Rosengrün.
  • Glenn Branca, Symphonie n°16 “Orgasm” pour 100 guitares, basses et batterie, vendredi 20 Février 2015, Julie Tippex / Philarmonie de Paris.
  • David, Maëlle, Anna / Pascal / Pierre

(1) “Le sentiment que nous éprouvons pendant que nous regardons un tableau n’est pas à distinguer du tableau ni de nous-mêmes. Le sentiment, le tableau et nous-mêmes sommes réunis en notre mystère.” – René Magritte, Ecrits complets, Flammarion 2009. Citation complète.

Turbines et motion

February 15, 2015 8:34 pm Published by

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Alors qu’on m’envoie une photographie d’une sérigraphie de Collection Morel en cours d’accrochage dans un appartement à Paris, les turbines tournent ici à la plus grande vitesse, en finalisation d’écriture et de mise en production de plusieurs projets, pour certains dès ce printemps. Cette sortie de machine célibataire – ce temps d’attention où sont fouillés les désirs les plus profonds – me permet de nouveau d’habiter pleinement l’action. Installations, éditions, expositions, programmations, diffusion : au travail et en motion.

  • Playlist : Colleen “Captain Of None” (advance record, Thrill Jockey, sortie le 7 avril 2015), Pierre Bastien “Pop” (Rephlex, 2005), démos (2014-2015), Jean-François Magre Toujours un coin qui ne se rappelle pas (2012-2015), Family Fodder “Hippy bus to Spain” (2014), The Stepkids “Wanderers” (2014). Les playlists de Studio Walter

De retour de Suisse

January 30, 2015 2:11 am Published by

Studio Walter - Retour de Suisse

De retour de Suisse avec une trame de texte en tête, qui devrait enfin me permettre d’en découdre avec les machines, et où La centrale d’énergie de John Buchan, la Kunsthalle de Berne, Harald Szeemann, Gilbert Lascault, Gaston Bachelard, Balzac, Michel Carrouges, Enrique Vila-Matas, Aby Warburg, John Crowley, Annie le Brun, André Hardellet, Alain Resnais, Hergé et Prométhée m’accompagnent, avec le froid des montagnes. Contente d’être de nouveau au chaud, bientôt de retour au studio.

Motus

January 26, 2015 1:37 pm Published by

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Fière d’être Motus : le projet d’Emmanuelle Parrenin et Pierre Bastien, après deux premiers concerts, commence à trouver une identité graphique avec la belle vidéo de Fabien Cayla (BIO Produx / DeGuerreLas), les portraits de Philippe Lebruman et tout ce que nous sommes en train d’assembler avec Emmanuelle, Pierre et Nicolas et que l’on peut retrouver pour partie . Le projet est en tournée sur 2015 et 2016 / Contact booking Motus.

Machines, amour et systèmes de représentation

January 25, 2015 12:27 pm Published by

« Je m’interroge sur le fonctionnement à sens unique d’une pensée sur l’amour, censée rendre pourtant compte des mouvements de l’un et de l’autre et qui, du coup, au lieu de se développer en moyen de connaissance, se fige en système de représentation. Et je comprends mieux l’incroyable fortune du mythe des « machines célibataires » qui, sous des allusions modernistes et antilyriques, sans avoir la rigueur de Duchamp, continuent de camoufler ce qu’il faut bien appeler une carence de la pensée occidentale. À l’opposé, seul, il y a Jarry avec la bouleversante proposition du Surmâle où, pour la première fois, l’homme et la femme paraissent aller également (et je me garde bien de dire ensemble) au-devant de leur énigme.” – Annie le Brun, postface du Surmâle d’Alfred Jarry, 1990.

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  • Également : Annie Le Brun, “Perspective dépravée : entre catastrophe réelle et catastrophe imaginaire”, Éditions du Sandre, 2011 – offert par Séverine.
  • Fémininmasculin (Centre Georges Pompidou, 1996), Virginia Woolf, la folie et les fous littéraires.
  • Jean-Didier Vincent, « Biologie des passions », Odile Jacob, 1994.
  • Eve, Helga, Annie.

Machines et atelier

January 24, 2015 8:07 pm Published by

Lieu unique - Atelier 2

Au travail sur les machines célibataires, une exposition et une programmation de Collection Morel, février-mars 2016 au Lieu unique à Nantes dans le cadre de Locus Solus. Avec des œuvres de Michel Carrouges, Pierre Bastien, Marcel Duchamp mais aussi les fantômes de Roussel, Caradec, Norah Borges et bien sûr toujours l’invention de Morel de Bioy Casares. Davantage bientôt !

Mines et couches puissantes

January 5, 2015 11:22 pm Published by

Studio Walter - Mines et couches puissantes (Grand Larousse encyclopedique, tome II)

  • Schéma d’une mine de charbon européenne, illustration extraite du Grand Larousse encyclopédique, tome II dans “Album Larousse, savez-vous…”, 1964.

L’amour et les terriers

January 5, 2015 11:15 pm Published by

Après quelques mois de flottement, entre table de nuit et table de fauteuil, j’ai enfin lu, hier soir, la version éditée de « L’amour et les terriers » d’Emelyne Duval et Pierre Hemptinne, un tirage limité de 120 exemplaires bichromes, numérotés et signés, très joliment fait. Comment donner lieu et forme à une correspondance et au tissage intellectuel et sensible qui en permanence s’y trame ? En constante modélisation, une correspondance est avant tout un mouvement, une construction dont l’empathie, comme confiance dans l’interprétation de l’autre, est le courant. C’est un espace particulier d’écriture, ni complètement intérieur ni complètement extérieur, très célibataire par le monologue qu’il permet (« l’écrire pour ne pas être coupé » si joliment cité par Vila-Matas dans son « Mal de Montano ») mais dépassant du même mouvement sa machine car étant adressé. Ainsi porté, le point de vue de lecture et donc de l’écriture n’est plus indistinct, permettant a un discours de s’articuler y compris dans ses formes les plus fragmentaires, inachevées. Elles sont un champs d’essais, porté par la confiance, c’est à dire la croyance dans un univers symbolique partagé (ici les transparents, les terriers), avec les mêmes zones imaginées de sacré. Contenir ce mouvement dans une forme, le matérialiser, c’est le soumettre et le fixer, en prenant ainsi le risque de le tarir comme de le magnifier. Emelyne Duval et Pierre Hemptinne, atteignant ici à de nouveaux plateaux de sincérité dans son exploration du sensible, en ont un fait un objet très plaisant à parcourir, manipuler, toucher – un autel à déplier dont la lecture en main, comme lieu, m’a enfin hier soir touchée.

  • Emelyne Duval et Pierre Hemptinne, « L’amour et les terriers », septième numéro de la collection Amnésia des éditions Bruno Robbe, 2014.
  • Pierre Hemptinne, « Lectures terrains vagues », Bruits, 2012 / Carnets
  • Également : Daniel Oster, les galeries, les passages parisiens
  • Sur la poésie, les dates et les rencontres : Derridex, index des termes de l’oeuvre de Jacques Derrida