Categories for Machines célibataires et dispositifs

Rock, amour and beautiful cosmos

September 29, 2013 9:38 pm Published by

how far is far

You are the centre of your little world and I am of mine.
Now and again we meet for tea, we’re two of a kind.
This is our universe, cups of tea.
We have a beautiful cosmos, you and me.

Ivor Cutler – Beautiful cosmos (via Keith)

Ce week-end, le rock et l’amour m’ont travaillée. Des abandons, des avancées et une nouvelle amitié m’y ont menée. Quel est ce “rock et amour”qui me travaille tant ? C’est tout d’abord une expérience de réception, puis de circulation par remise en émission. L’artiste, créateur de la pastille originelle, ce qu’il y met et son intention, ses paroles (1), ne sont pas ce qui me travaille. La porte d’entrée que j’envisage au “rock et amour”, le véritable début de son édifice, ce n’est pas l’oeuvre mais l’instant de la coïncidence et de l’agrégation qu’il provoque en nous. Un inénonçable faiblit à la lumière de ce nouveau jour : quelque chose se passe. C’est le point de départ de ce que je veux explorer, comment les oeuvres deviennent des unités parmi les unités, que nous imaginons constitutives de nous mais surtout comment, de là, une sorte d’esthétique seconde, partant du récepteur, s’opère. Yves Citton (2) parlerait peut-être d’interprétation. Le mouvement que j’essaie de définir est d’une autre nature : c’est celui d’un amatorat tel que définit par Bernard Stiegler, celui de personnes « cultivant un rapport au temps qui fonde un rapport aux œuvres » (3), qui « muées par la curiosité et la passion de la connaissance, tentent de créer leurs propre espace émancipatoire » (4), mais également, dans le cas qui m’occupe, d’en partager les accès. Les cercles peuvent être plus ou moins proches, des béguins et des amitiés à de plus larges audiences (blogs, revues, édition, associations…), comme autant de communautés à créer. L’énergie, celle de l’affect, reste de même nature à chacun de ces niveaux : c’est le “rock et amour” que je veux nommer et pour lequel j’ai tant à travailler, et dont la question du célibat de la subjectivité est évidemment centrale, même si je pense qu’elle peut être dépassée par ce que l’esthétique seconde peut, dans ses rebonds, provoquer. Mais, d’abord, profiter de Walter, mon petit enfant, tout enjoué par cette belle journée de septembre, de cet amour doux, entier et instantané, de cette immense chance que l’on a de s’être rencontrés. Rock et amour : je te reverrai !

(1) Voir à ce sujet l’appel du colloque international sur le rock et l’amour qui aura lieu à l’Université Paul Valéry, Montpellier 3, le 16 et 17 avril 2014, coordination Claude Chastagner.
(2) Yves Citton, “L’avenir des humanités. Economie de la connaissance ou cultures de l’interprétation ?”, Paris, Editions La Découverte, 2010, 203 pages
(3) Bernard Stiegler, « Le temps de l’amatorat », paru dans Alliage, n°69 – Octobre 2011, mis en ligne le 17 juillet 2012.
(4) Josep Ramoneda, « Rompre les inerties : l’engagement du CCCB », communiqué de presse sur la création de l’Institut de Recherche et d’Innovation, direction Bernard Stiegler, Centre Pompidou, 2009, p. 11

Dessin : How Far is Far? by Alvin Tresselt and Ward Brackett, 1964 via Stopping off places

“N’est-ce pas?”, “C’est vrai ! C’est vrai !”

September 25, 2013 6:33 pm Published by

2011-fevrier-053

“Le kitsch s’avère donc le mode de consommation du réel et de l’imaginaire de quiconque aspire à l’adhésion la plus normative au social, mais cette consommation n’est validée que par sa redistribution en pure visibilité. Le kitsch intègre alors sa fonction de lien, de liant social. Lorsqu’il s’agit pour deux individus de se reconnaître, le kitsch advient à la fois comme le moyen et la nature de cette reconnaissance, l'”invention” interdite d’originalité d’un lieu commun à des fins ponctuelles de pseudo communication. Tout objet ou sentiment quelconque est susceptible de jouer le rôle de ce lieu commun. Et c’est une fois que l’objet en question intègre cette logique du poncif que sa propre kitschification advient, mais surtout qu’il rend possible le rapport d’identification des protagonistes.

Flaubert nous offre un saisissant exemple de ce principe avec le premier dialogue entre le jeune clerc Léon Dupuis et madame Bovary à l’auberge du Lion d’or le soir de l’arrivée à Yonville.

“- (…) Quelquefois, le dimanche, je vais là, et j’y reste avec un livre, à regarder le soleil couchant.

– Je ne trouve rien d’admirable comme les soleils couchants, reprit-elle, mais au bord de la mer, surtout.

– Oh! j’adore la mer, dit M. Léon.

– Et pis ne vous semble-t-il pas, répliqua madame Bovary, que l’esprit vogue plus librement sur cette étendue sans limites, dont la contemplation vous élève l’âme et donne des idées d’infini, d’idéal ?

– Il en est de même des paysages de montagnes, reprit Léon. J’ai un cousin qui a voyagé en Suisse l’année dernière, et qui me disait qu’on ne peut se figurer la poésie des lacs, le charme des cascades, l’effet gigantesque des glaciers. (…)”

Suivent, en chapelet, quelques pensées également partagées sur la musique, sur les lectures du soir au coin du feu, sur le charme des romans, sur “les vers plus tendres que la prose”… Et à chacun des articles de ce catalogue de la convention, Léon, Emma, émerveillés de cette communion, acquiescent à tout va, au tout venant de leur pseudo intériorité :

“N’est-ce pas?”, “C’est vrai ! C’est vrai !”

(…) Le kitsch c’est l’évènement sentimental que fantasment Emma et Léon et qui les fait se reconnaître en retour au travers de prétextes qui ne sont que traversés par le flux du poncif. Cette électricité baigne d’ailleurs plus les objets qu’elle ne circule en eux, troublant la surface de leur singularité pour y multiplier les signes de connivence. La psychologie du kitsch, cet “art du bonheur”, selon l’expression d’Abraham Moles, a pour règle d’or l’assentiment. Condition d’un confort, d’une sécurité et d’une communication en écho, cette hygiène de l’assentiment, assentiment à ce qui s’énonce et se pense, le kitsch lubrifie ce qui déjà n’aspire qu’à la fluidité des idées reçues et instrumentalise les images à des fins de transactions a-dynamiques, de potlachs abstraits sans plus de don que de destruction, dénués de défi. L’irruption du débat, de la contradiction, de la violence dialectique fait voler en éclats l’univers kitsch. Celui-ci, tout à sa réduction des possibles singuliers, à sa raréfaction des fulgurances, n’est rien moins qu’un eugénisme culturel.”

  • Jean-Yves Jouannais, Kitsch, mauvais goût. Eugénisme, attentat in Société perpendiculaire – Rapport d’activité, Images Modernes, 2002, pp 158-160
  • Aussi : Nicolas Bouyssi sur Edouard Levé et le name dropping : “Cette quête concurrentielle du bon côté, du havre de paix tautologique où chacun serait soit-disant reconnu pour ce qu’il est, où tout le monde communiquerait et où il n’y aurait plus de perte de temps, plus de mésentente et de différend à condition qu’on soit tous enfin pareils, on pourrait le définir comme le contraire d’un champ de tension, autrement dit comme lieu de détente. Et on pourrait définir ce lieu de détente comme pulsion de mort” (Nicolas Bouyssi, Esthétique du stéréotype, essai sur Edouard Levé, PUF, 2011, pp. 65-66)

Cercle Franz Buch

September 25, 2013 6:20 pm Published by

l'art et la vie - recherches éthiques

Travaille doucement, dans les trous, à Franz Buch, cercle francophone à Berlin, sa librairie et sa bibliothèque collective. Le logo est en cours, le tri des livres en piles aussi. L’idée : faire ville autrement. Rejoindre le projet : contact.

Bibliothèque Perpendiculaire

September 24, 2013 9:11 am Published by

perpendiculaire004 perpendiculaire003

La belle bibliothèque de la Société Perpendiculaire in Rapport d’activités, Images Modernes, 2002

perpendiculaire001