Dans la boîte, reçu le nouveau disque de Nicholas Desamory (Bussman) de Berlin qui depuis tourne en boucle et me fait replonger dans sa production fertile avec à chaque fois un je-ne-sais-quoi qui touche chez moi à la tristesse et la plus grande des joies à la fois. Cette nouvelle sortie, “You only need to know how it feels to believe” sur le label Staubgold, transforme la musique house en territoire fragile, organique et foisonnant, avec des compositions à textures multiples qui je sais m’accompagneront longtemps. Extrait : “You only need to know how it feels” (Soundcloud) | Grand Prix d’amour productions
Supplément : Nicholas Desamory live, feat. Lucile Desamory, au festival Pop im Ausland, Berlin, novembre 2016
Hematic Sunsets – Tristesse aromatique (Dekorder, 2009)
Low – Belarus (Sub Pop, 2007)
Leon Michener – Angelus / “Klavikon” (Nonclassical, 2015)
Disappears – Another Thought / “Irreal” (Kranky, 2015)
Dustin Wong & Takako Minekawa – Dimension Dive part 3: Deep Sea Dance / “Savage imagination” (Thrill Jockey, 2014)
Mahogany – Supervitesse (Track & Field, 2006)
El-G – Armelle (Le Vilain Chien, 2007)
Family Fodder – Hippy Bus to Spain / “Variety” (The state51 Conspiracy, 2013)
Gablé – Haunted (Loaf, 2011)
Jean-François Magre – Toujours un coin qui ne se rappelle pas (micr0lab, 2012)
Bona Dish – It’s a normal day” / “Zaragoza Tapes: 1981-1982” (Captured Tracks, 2013)
The Chap – Social Bob / “The show must go” (Lo recordings, 2015)
Ideal – Monotonie (WEA, 1981)
Mercenárias – Polícia (Baratos Afins, 1986)
Derrick May / Rhythim Is Rhythim – Strings of life (Transmat, 1987)
Pierre Bastien – Noon / “Pop” (Rephlex, 2005) + “Blue As An Orange” (Morphine, 2015)
Xavier Boussiron – Des Demies Heures Longues Comme Des Westerns / “Musique De La Carte Du Tendre” (Suave, 2000)
Sun Ra – That’s how I feel (Philly Jazz Inc., 1978)
Une compilation : Dronecast of Pierre Bastien (The Drone, 2015)
Un groove : The Stepkids – Wanderers (Stones Throw, 2014)
Un 45 tours : Material – Over and over (Ze records, 1981)
Deux aftershows : Young Marble Giants at MIMI, Marseille and Meltdown, London
Un livre : Annie Dillard “En vivant, en écrivant” / “The writing life” (10/18, 1996)
Une danse (un piano) : Lino Friars with Sonora Matancera (extract on Latino Bar, 1977)
Un pays : Mysteriana
B.O. : Ian Masters (Wingdisk), “Rio” (Isonauta, 2003). Egalement : Smack “For a daqui“, As Mercenarias “Panico” (MTV) / “Policia“ in The sexual life of the savages, Underground Brasil : post-punk from São Paulo, Soul Jazz, 2005 (Discogs) + Disappears “Another Though“ (Kranky, 2015 / pochette) — Camille, Constance, Étienne, Brian, Pierre.
Françoise Proust, “L’histoire à contretemps” via Wilfried Paris.
Également : Roland Barthes sur le désordre du langage du sujet amoureux (Le Masque et la plume, 1977), via France Culture (Roland Barthes, du coeur à l’ouvrage) / Séverine ; le fantasme comme montage grammatical (Lacan). On continue les recherches sur l’ineffable !
Archives de Jeff Hunt / Table Of The Elements, 1994. Faust jouera à Atonal avec Tony Conrad (Outside The Dream Syndicate) à Berlin cet été, et au festival Le Guess Who? à Utrecht le 19 novembre 2015 ! Contact booking
Le samedi 27 juin, Pascal Comelade donnera son ultime concert avec le Bel Canto pour les Nuits de Fourvière à Lyon. A cette occasion, je replonge dans sa topographie par le film de Cécile Patingre (2000, 52 minutes) via Richard Robert, extrêmement heureuse d’y retrouver Alex Barbier par la coudée ainsi que de nombreuses prises de personnes qui ont accompagné Comelade. On y trouve aussi quelques ilots de sa bibliothèques et des traits que je note et relie aux musiques imaginaires, surprise comme à chaque fois par des nouveaux accès à son œuvre qui à moi se révèlent, espérant pouvoir amener mon petit garçon en juin à Lyon pour son premier concert en soirée.
Pascal Comelade et Cobla Sant Jordi, samedi 27 juin à l’Odéon, Lyon / Infos et billeterie
Également : Club Obstinato sur Pascal Comelade et Pierre Bastien, Studio Walter / décembre 2014
“L’amore sol la mi fa remitare, la sol me fa sollecita” (“L’amour seul me fait souvenir, lui seul me rend alerte”)
Alors que mon projet de série de portraits “4 roses” (1) est en train de prendre forme pour l’exposition et le programme sur les machines célibataires en 2016 au Lieu Unique, je me suis retrouvée à échanger, aujourd’hui, avec Pascal Comelade que nous prévoyons d’aller filmer pendant l’hiver. Ce soir, je me suis replongée dans une petite pile de documents, extraite de l’atelier, qui m’attendait depuis quelques semaines : ses “Écrits monophoniques submergés” (Le Camion Blanc, 1999), le catalogue de son exposition au KRTU à Figueres en 2003, et quelques petites choses de Dominique Grimaud (“L’underground musical en France”, Le Mot et le reste, 2008 ; les deux numéros d’un “Certain (?) rock français”), mais aussi un livre sur les “Secrets du microsillon” (Travail des hommes, 1964).
L’exercice est troublant : les archives de Comelade sont, pour une partie, au plus proche des miennes. Des courriers tapés à la machine de Jacques Debout aux exercices de style et au Petit Simonin, des musiques de pays imaginaires aux musiques bien réelles qu’il cite qui en nombre m’habitent, j’ai aussi découvert la collection d’art psychopathologique du Docteur Sponsz-Müller qui n’avait pas eu d’impact sur moi la première fois, et relu avec plaisir son précis de jargon sonore où l’on apprend qu’accordéon se dit aussi boîte à frisson, et que chanter Ramona n’est pas qu’une affaire de chanson. Il y est aussi question, dans une liste, d’escaliers qui ne mènent nulle part, de trompes-l’œil et de lieux qui, comme Bomarzo, les folies Siffait, la maison Picassiette à Chartres ou le Palais idéal forment, ensemble, la partie la plus visuelle de l’imaginaire des lieux que j’ai essayé d’embrasser avec Morel. Et qui me rappelle aussi que Comelade est d’abord un mec qui écrit : des textes, des titres, des musiques, des gestes, des listes, des groupes de gens, des ensembles. Il assemble.
Alors que le tri et le réaménagement de mon appartement continue, les mains dans les disques, les livres et les documents, et que cette lecture du livre au Camion Blanc se superpose avec mon amitié récente et forte pour Pierre Bastien, une topologie se révèle, me donnant lieu et racines : de toutes les musiques que je porte, une seule fait pour moi vraiment scène, celle qui autour de Pascal et Pierre forme une brèche vers des lectures à tiroirs du réel, où le sens d’œuvres littéraires et artistiques sous d’autres formes s’active. Sans eux, mon écoute de la musique serait séparée du reste de mon imaginaire, à moins qu’ils ne l’aient eux-même forgé à force d’écoutes, entières, parfois dans la pénombre, de certains de leurs disques, et par leurs propos et propositions que je suis avec attention maintenant depuis de nombreuses années.
Cela suffit-il pour comprendre la façon dont certaines de leurs obsessions sont aujourd’hui – ou ont pu être – les miennes ? Jusqu’à quel point m’ont ils forgée pour qu’aujourd’hui, je trouve une grande partie de mon identité dans leurs prises esthétiques, dont la musique n’est qu’un seul des aspects ? Cette question est aussi, à rebours, celle de la culture, de la communauté et du champ du signe pour reprendre le célèbre titre de Duchamp : celle de la communication seulement possible par les signes partagés, ces figures-pivots de l’imaginaire que peuvent être les œuvres, permettant de communiquer par des figures des pans entiers de notre inénoncé, le rapport esthétique comme une capacité de rapport aux autres et au monde, l’infini fixé, enchâssé dans des objets, n’existant que dans une grille de rapports entre eux.
Pascal Comelade et Pierre Bastien, donc, partout en moi ce soir alors que ma réflexion sur les machines célibataires s’est ces derniers jours un peu structurée, et que la question de son dépassement est plus que jamais au centre du travail d’écriture. Si la série “4 roses” – dont tous les deux feront partie – devrait me permettre d’extraire des lignes communes au fil des portraits, je relierai déjà ce soir Pascal et Pierre en cercle Obstinato, un club d’obsessionnels visant à la beauté et à l’instant d’éternité, auquel j’adjoindrai également, parmi les contemporains, Peignot et sûrement Jouannais. Cette idée, en tous les cas, me plaît, et la mets en sillon jusqu’à Céret.
(1) “4 roses est une série de portraits de personnes qui ont une lecture diagonale du monde, dans laquelle aucun objet n’est de l’autre isolé et où le vivant se révèle dans la surprise de ce qui a été relié. Grands lecteurs, ils sont peut-être comme Borges qui se plaisait à imaginer qu’au fond, il n’était jamais vraiment sorti de la bibliothèque et du jardin de son enfance, et qu’il ne faisait que tisser et défaire les idées qui y étaient nées. 4 roses propose, en quatre figures, des portraits de ces imaginaires et de ces lecteurs pour qui la construction de sens est un ouvrage permanent, ces machines célibataires pour qui la pensée et l’affect sont du même mouvement.” Collection Morel / projet en cours de production, avec Mariette Auvray.
Site de Revue & Corrigée, revue à laquelle Pascal Comelade et moi avons collaboré les mêmes années, et dont de nombreux textes des “Ecrits monophoniques submergés” sont extraits.
Bonus track envoyé par Julie (sur scène, alors au bord de l’évanouissement) à la suite de la lecture de ce billet : “Tycho Brahe invite Pascal Comelade“