L’amour et les terriers
January 5, 2015 11:15 pmAprès quelques mois de flottement, entre table de nuit et table de fauteuil, j’ai enfin lu, hier soir, la version éditée de « L’amour et les terriers » d’Emelyne Duval et Pierre Hemptinne, un tirage limité de 120 exemplaires bichromes, numérotés et signés, très joliment fait. Comment donner lieu et forme à une correspondance et au tissage intellectuel et sensible qui en permanence s’y trame ? En constante modélisation, une correspondance est avant tout un mouvement, une construction dont l’empathie, comme confiance dans l’interprétation de l’autre, est le courant. C’est un espace particulier d’écriture, ni complètement intérieur ni complètement extérieur, très célibataire par le monologue qu’il permet (« l’écrire pour ne pas être coupé » si joliment cité par Vila-Matas dans son « Mal de Montano ») mais dépassant du même mouvement sa machine car étant adressé. Ainsi porté, le point de vue de lecture et donc de l’écriture n’est plus indistinct, permettant a un discours de s’articuler y compris dans ses formes les plus fragmentaires, inachevées. Elles sont un champs d’essais, porté par la confiance, c’est à dire la croyance dans un univers symbolique partagé (ici les transparents, les terriers), avec les mêmes zones imaginées de sacré. Contenir ce mouvement dans une forme, le matérialiser, c’est le soumettre et le fixer, en prenant ainsi le risque de le tarir comme de le magnifier. Emelyne Duval et Pierre Hemptinne, atteignant ici à de nouveaux plateaux de sincérité dans son exploration du sensible, en ont un fait un objet très plaisant à parcourir, manipuler, toucher – un autel à déplier dont la lecture en main, comme lieu, m’a enfin hier soir touchée.
- Emelyne Duval et Pierre Hemptinne, « L’amour et les terriers », septième numéro de la collection Amnésia des éditions Bruno Robbe, 2014.
- Pierre Hemptinne, « Lectures terrains vagues », Bruits, 2012 / Carnets
- Également : Daniel Oster, les galeries, les passages parisiens
- Sur la poésie, les dates et les rencontres : Derridex, index des termes de l’oeuvre de Jacques Derrida