Marie-Pierre Bonniol est née à Marseille en 1978. Elle est chercheur en esthétique et concepteur de projets.
A 2 ans, elle fait sa première fugue et commence à lire, seule, à l’âge de 4 ans. Son enfance s’illumine dès son inscription à la bibliothèque du quartier de sa grand-mère, dont elle lira la plus grande partie de la section jeunesse, et négociera aussi un accès à la section adulte. Elle y découvre Rock & Folk et Best, et notamment la rubrique « Ici et indépendant » qui la sensibilisera, très jeune, au champ DIY (Do It Yourself) en musique.
A 14 ans, elle décide de monter un fanzine, «une correspondance à deux cent exemplaires sur le rock», pour lequel elle obtient une bourse qui lui permet d’acheter un dictaphone, une agrapheuse, un abonnement de photocopies et de sortir sept numéros. Elle fait également un label cassette et un groupe qui sera comparé à Young Marble Giants.
Rapidement, elle s’intéresse à la marge en musique, mais aussi en art : musiques improvisées, free, expérimentales, art brut et art singulier, excentriques littéraires… Elle fera de ces nouvelles passions un fanzine, Supersonic Jazz, nommé d’après Sun Ra, mais aussi des séries d’articles sur l’art brut et l’art naïf pour Univers des Arts, ainsi qu’un livre objet, Astrolab, consacré au mail art. Elle verra, à la même époque, ses premières expositions d’art contemporain (Sophie Calle, Robert Smithson, Fluxus, L’art au corps, Lygia Clark) qui auront une impression durable sur elle.
A Nice, une autre personne partage ses intérêts et elle deviendra, à 17 ans, proche de Philippe Robert du fanzine Numero Zero et futur auteur au Mot et le reste. Ils ont une épaisse correspondance, se voient régulièrement et se donnent des ailes. Ils proposent ensemble des articles sur les artistes et les scènes qui les travaillent à des revues comme Revue et Corrigée, Octopus et Les Inrockuptibles qui les publient.
Ils iront également à New York organiser et produire des sessions d’enregistrement avec Loren MazzaCane Connors, Thurston Moore et Lee Ranaldo du groupe Sonic Youth, qui sortiront sur les labels Hat Hut et Table of the Elements. A cette occasion, Kim Gordon invitera Marie-Pierre à traduire “Teenie Weenie Boppie” de France Gall pour un disque de Free Kitten. Elle l’interviewera, en retour, pour le catalogue Playback du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris quelques années plus tard.
De retour en France, elle voit l’un de ses textes littéraires écrits pour un fanzine publié par Jean-Jacques Pauvert, lit Brautigan, Bioy Casares et Borges, et étudie les arts plastiques où elle se familiarise davantage avec les pratiques de Joseph Beuys et d’Yves Klein. Elle travaille sur le kitsch, les dessins d’enfants, la musique improvisée et le surréalisme tout en écrivant dans la presse musicale et en menant des ateliers dans des écoles marseillaises. Elle vit toujours chez ses parents, qui ont depuis déménagé, et dépense tout ce qu’elle gagne en livres et en disques : pas un seul mur n’en est vierge dans sa chambre.
A 20 ans, elle décide d’orienter ses recherches sur les rapports entre les arts plastiques et la musique, réalise un double mémoire de maîtrise sur les disques vinyl et la posture de la rock-star dans les arts plastiques et rejoint le studio son de la Villa Arson – Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Nice – où elle travaille notamment à la réalisation d’un thésaurus sur les pratiques sonores.
Durant cette période, elle écrira également des articles critiques sur les rapports entre les arts plastiques et la musique, fera des communications sur France Culture et France Musique sur une invitation de Daniel Caux, et rencontrera des artistes comme Xavier Boussiron, Alexandre Périgot et Arnaud Labelle-Rojoux, ce dernier lui proposant de reprendre son poste d’enseignant à l’école d’art d’Avignon pour quelques mois, ce qu’elle acceptera.
A 21 ans, elle suit un garçon à Paris et obtient un DEA en Esthétique et Sciences de l’art à Paris I pour lequel elle travaille sur Theodor Adorno, Walter Benjamin, John Dewey, Richard Shusterman, Dan Graham et Sonic Youth sous la direction de Marc Jimenez et de Pierre-Damien Huyghe, mais aussi une nomenclature des postures sonores dans les arts plastiques dont la publication par Synesthésie / Laboratoires d’Aubervilliers permettra la circulation.
Elle écrit également un dossier pour Telerama sur les collections de disques, ainsi qu’un texte pour l’ouvrage collectif « Prières Américaines » aux Presses du Réel, apparaissant auprès de Mike Kelley, Kim Gordon et Christian Marclay.
La même année, elle rencontre les gérants du Café Charbon rue Oberkampf, qui travaillent sur un projet de salle de concerts, le Nouveau Casino, encore en construction. Elle reconnaît dans le bureau une photo de Pierre Molinier, une des rares qui existe en couleur, et sera nommée directrice artistique dans la foulée.
Elle sera en charge de l’établissement dès la préfiguration : elle trouvera le nom de la salle, recrutera l’équipe, établira le projet de gestion et gérera la maison pendant les trois premières années d’exploitation. La salle sera ouverte avec une soirée poésie sonore avec Julien Blaine et Keith Rowe, qui sera suivie d’un programme très dense de soirées parmi lesquelles Wire, Stereolab, Le Tigre, Liars et Liquid Liquid ont été programmés.
En parallèle, elle est invitée par Alexandre Périgot à co-programmer le cycle Starball au Planétarium et à la Géode de la Cité des sciences où seront entre autres invités Luc Ferrari et Pierre Henry. Elle initie et co-fonde aussi la revue de recherche Volume aux éditions Mélanie Séteun et donne, notamment dans le cadre du projet GBH, des conférences sur l’esthétique du rock dans plusieurs établissements et universités.
A 25 ans, elle cherche un emploi qui lui laisse plus de temps pour ses projets personnels, et quitte la rue Oberkampf pour rejoindre, en mini-jupe et en Converses, la ville de Boulogne-Billancourt où elle est embauchée comme chef de projet pour la préfiguration d’un établissement culturel sur l’Ile Seguin. Elle y fondera, en 2005, le festival BBmix qui existe encore aujourd’hui. L’équipement, lui, n’a jamais été construit.
Les soirs et les week-ends, elle se consacre aux musiques imaginaires et la structure Disco-Babel, pour Discothèque de Babel, qu’elle a monté a cet effet. C’est dans ce cadre qu’elle développera l’Air Guitar en France dont l’impact médiatique exceptionnel la fera se retrouver à la fois chez Philippe Bouvard, dans Télé 7 jours, sur TF1 et dans de très nombreux autres médias français . Elle initiera aussi la revue littéraire Minimum Rock’n’Roll, co-éditée par Mélanie Séteun puis Le Castor Astral, dont les numéros portent sur le rock et les poils, les voitures, les chaussures, les lunettes et les lèvres.
Elle éditera également des nouvelles, des calendriers, un jeu de société et organisera des concerts, des festivals, des trocs de disques, des soirées rock et amour, des concours de haïkus, un championnat de tee-shirts de groupes et le forum des fanzines DIY Boogie sur une invitation du CNEAI – Centre national des arts imprimés. Elle rencontre également à cette période Benjamin Bret qui écrit pour elle la chanson “Good things from Walter Benjamin” et tout un album, “Number one champion”, tiré à deux exemplaires.
A 27 ans, elle quitte la France pour rejoindre à Londres Keith Duncan, le batteur du groupe The Chap, qui deviendra son mari. Elle assistera quelques temps la mythique salle de concert Spitz et montera rapidement Julie Tippex, une maison musicale destinée à faire tourner des groupes en Europe.
Pour l’occasion, elle prend « Her story » des Flying Lizards comme hymne, ses lunettes comme logo et organise des premières tournées de Faust, Zombie Zombie, James Chance, Felix Kubin et du Club des Chats en Angleterre. La maison où elle vit avec The Chap ne désemplit pas de groupes, et l’agence prend rapidement de l’ampleur jusqu’à travailler, en 2013, avec des artistes comme Glenn Branca, Lee Ranaldo, Silver Apples et Jeff Mills.
Elle collabore également, dans cette période, comme programmatrice au festival Futuresonic de Manchester, et travaille sur des missions sur Londres, Paris et New York. Elle organise également un festival pour son mariage, voyage au Pays de Galles pour convaincre Young Marble Giants de revenir jouer en France, et se fait faire la bise par Robert Wyatt pour attraper son rhume.
A 30 ans, elle embarque agence et mari à Berlin où elle vit depuis, et devient l’agent d’artistes comme Jad Fair, The Psychic Paramount, ESG et l’outrageux Kim Fowley, coordonnant désormais une équipée de dix agents et un catalogue d’une centaine d’artistes. Dans ce cadre, elle est amenée à collaborer régulièrement avec des établissements comme le Parc de la Villette, la Fondation Cartier et le Lieu Unique, notamment pour le Week-end singulier consacré aux artistes outsiders.
A 33 ans, elle reprend des activités de recherche sur les bibliothèques et les lieux, avant de donner naissance, en 2012, à un petit garçon, Walter, a qui elle chante des berceuses en allemand. Le dessinateur Glen Baxter réalisera son faire-part de naissance, et le représentera sous la forme d’une météorite.
A 35 ans, en 2014, elle continue de coordonner les structures Julie Tippex et Disco-Babel, tout en travaillant sur Collection Morel, un projet sur l’expérience projective des lieux, dont la première présentation publique aura lieu à Bruxelles au mois de mai 2014 sur une invitation de Pierre Hemptinne / PointCulture.
Elle travaille également, dans les trous, à la constitution de Franz Buch, un cercle francophone berlinois consacré aux livres et aux idées, mène des recherches sur le rock et l’amour, et travaille à l’écriture de plusieurs textes théoriques et littéraires.