Retour à Berlin
June 21, 2015 9:09 pmWalter – Berlin, juin 2015
- Bande-son du retour de voyage : Xavier Boussiron, “Musique De La Carte du Tendre“, “Waterloo Martini“ (Suave, 1998-2000)
Walter – Berlin, juin 2015
Rentrer, l’imaginaire chargé, de ces disruptions de routine, de visites, de rencontres, d’intensités, l’imagier rempli d’éclats, de moments et d’endroits, ravie par les échanges qui s’y sont déroulés, pour ne porter finalement en soi qu’une seule image, vécue au retour par le hall de Roissy. De passage à Berlin, avant de repartir pour Bucarest, Bourges et Paris !
Jour de réveillon, on écoute et réécoute tous “Pierre et le loup” sur trois générations, les yeux écarquillés, grands ouverts sur un bois imaginaire. Magique. Bonnes fêtes !
Archives : photos de l’atelier provisoire, été 2013, Hermannstraße à Berlin, chez mon ami Etienne ; photo de Spree Park, une chaude après-midi de ce même été, Walter avec moi, comme quelques autres filles ; l’entrée, pivotée. Dans cet atelier, je n’ai pas lu. J’ai rêvé, dormi et dessiné. Aujourd’hui, j’ai changé de rue, dans un petit local où, avec mon amie Stephi, on s’installe doucement. J’y reprend les notes, les cahiers, les carnets, les images et des courriers de ces quelques dernières années, j’arrive à leur donner un ordre qui m’aide à y plonger à la recherche de fragments, de bouts d’images, où l’espace rencontre le mouvement, ouvrant à des visualisations qui permettent à la pensée de s’incarner, de se représenter. Pousser de nouveau le portail de cet endroit est un geste qui me demande du courage, une certaine solidité, mais cette archéologie m’appelle et cela me fortifie déjà de m’y fondre. J’espère, dans quelques mois, pouvoir en donner une belle version à Bruxelles et continue, d’ici là, ma plongée. En progrès !
“Le cœur d’une maman, ce n’est pas simplement un muscle qui bat sans arrêt. C’est un lieu magique dans lequel se produisent les choses les plus extraordinaires… Le cœur d’une maman est lié au cœur de chacun de ses enfants par un fil très fin, presque invisible. C’est grâce à ce fil que tout ce qui arrive à ses enfants produit quelque chose dans le cœur d’une maman.”
Profiter de Walter le tout petit, et des quelques moments qu’il me laisse pour lire les “Premières leçons sur l’Esthétique de Merleau-Ponty” (Ronald Bonan, PUF, 1997) et avancer sur l’instant, l’histoire et l’empathie. On entre en fêtes, on vous les souhaite bien bonnes et on vous embrasse !
“A force pour moi les langues finissent par être des personnages. (…) L’allemand a cette faculté de tout faire voir, c’est une langue du visible, du concret. Moi ce qui me fait rigoler c’est quand les français disent que c’est la langue de la philosophie. C’est justement la seule langue où la philosophie devrait être impossible parce que vous voyez, constamment. Tout repose sur être debout, être couché, tout est fait par des mouvements concrets. Il n’y a pas un mot abstrait en allemand, les mots abstraits viennent du français ou du latin. L’allemand est incapable d’abstraction. C’est une langue avec un gros corps, le français a au contraire quelque chose de plus fluet, de plus mystérieux. C’est comme ça que je vois ça.”
Le petit enfant dort. Nous le roulons contre le bord du berceau, ourlé de mousse et de coton. Nous lui posons la main sur le dos, puis les cuisses et la tête, le quittant d’une caresse. De la même façon que nous l’embrassons, l’allaitons ou le berçons, nous posons dans son sommeil des parois douces contre lesquelles il peut se laisser porter, et se sentir un peu moins perdu dans un espace si grand.
Il y a encore peu, le monde de l’enfant était constitué d’eau, de reflets et de flottements, de battements de cœur et d’artères réguliers, assourdissants. L’enfant y dérivait, nourri et porté, se confondant avec son environnement, devenant lui-même le lieu, le bruit, l’organe qui se transforme et grandit avec lui.
Et le jour vient où la poche se perce, le monde s’écoule et l’enfant, ébloui, naît à l’air, au jour et au besoin. Sur notre torse, les doigts encore bleus, notre peau et notre chaleur l’apaisent et le bordent. L’enfant s’abandonne dans cet espace, et forme ainsi avec nous un nouveau lieu, un embrassement mouvant, propre à consoler du vide.
Ces lieux, l’enfant en cherchera d’autres quand il grandira : coins, recoins, cabanes et jardins, grottes, ventres de baleine et puits, sous une couverture ou ses paupières fermées. Il fera de ces espaces habitables, bordés, des espaces habités.
Ces lieux se recouvriront de merveilleux, un mélange d’histoires et de mystère. Il les reliera entre eux, établissant un paysage en galeries, où les signes se relient et forment un espace plus large, un monde et un être au monde – un individu.