Annie Le Brun, Sade et les moteurs
« Sade nous révèle que l’exercice de la pensée n’est pas une activité abstraite, mais qu’elle est déterminée par les mouvements des désirs et que sa source est avant tout pulsionnelle. C’est la phrase fameuse dans Histoire de Juliette : «On déclame contre les passions sans songer que c’est à leur flambeau que la philosophie allume le sien». Les héros de Sade ne pensent jamais « à froid », ils discutent vivement, y prennent du plaisir, il y a chez eux un constant «échauffement» de l’esprit. Le dialogue montre la montée du trouble dans la pensée, au cours d’une continuelle surenchère de l’imagination érotique sur le raisonnement. D’ailleurs Juliette, l’héroïne favorite de Sade, le dit bien : « Ma pensée est prompte à s’échauffer », révélant comment la pensée se met en mouvement. Sade est le premier à nous dire cela, et plus encore, à nous le faire ressentir. »
- Annie Le Brun sur Sade, interview de Frédéric Joignot, “Sade Essaime“, LeMonde.fr, Novembre 2014
- Exposition : Sade. Attaquer le soleil, jusqu’au 25 janvier 2015, Musée d’Orsay, Paris.