Tag Archive: Peinture

Paul Cézanne, Bartleby

January 4, 2014 11:22 pm Published by

“Enfin je te dirai que je deviens, comme peintre, plus lucide devant la nature, mais que chez moi, la réalisation de mes sensations est toujours très pénible. Je ne puis arriver à l’intensité qui se développe à mes sens, je n’ai pas cette magnifique richesse de coloration qui anime la nature. Ici, au bord de la rivière, les motifs se multiplient, le même sujet vu sous un angle différent offre un sujet d’étude du plus puissant intérêt, et si varié que je crois que je pourrais m’occuper pendant des mois sans changer de place en m’inclinant tantôt plus à droite, tantôt plus à gauche”

  • Paul Cézanne, courrier à son fils du 8 septembre 1906 (“Correspondance”, Paris, Grasset, 1978, p. 324) – pour Helga et ses recherches sur le cadre.

L’irruption de la fiction

November 4, 2013 12:13 pm Published by

Cuchi White Bologne001

“Le trompe-l’œil n’est qu’un piège qui nous renvoie à notre propre regard, à la manière dont nous regardons – et occupons – l’espace. Si une “vraie” maison s’élevait là où il n’y a qu’un mur, si des vrais jardins à la française s’étalaient au-delà de ces grandes baies vitrées, si de vraies fenêtres habillaient ces façades, peut-être ne prendrions-nous même pas la peine de les regarder. Ce qui arrête notre regard, un court instant, c’est l’irruption de la fiction dans un univers auquel, à cause de ce que l’on pourrait appeler notre cécité quotidienne, nous ne savons plus prêter attention. En ce sens, les trompe-l’œil fonctionnent un peu comme les mots croisés : ils posent une question dont la réponse est tout entière contenue dans l’énoncé qui la formule, mais qui demeure énigmatique tant que l’on n’a pas opéré le minuscule glissement de sens qui la résout dans son évidence imparable.”

  • Texte : Georges Perec, photo : Université de Bologne, par Cuchi White, “L’oeil ébloui”, Chêne/Hachette, 1981

L'oeil ébloui001

Le charme de l’étrange

October 9, 2013 10:04 am Published by

“Le charme de l’étrange peut être ressenti aussi bien, par exemple, en regardant un lointain bleu qu’en regardant un paysage qui apparaîtrait dans le ciel. Il est permis de douter de l’obligation de ressentir un sentiment “déterminé” par ce que nous regardons. Une chose très familière est regardée parfois avec un sentiment de l’étrange et nous pouvons avoir un sentiment familier pour des choses dites mystérieuses; dans les deux possibilités se trouvent réunis soit un sentiment de l’étrange, la chose familière et nous-mêmes. Cela n’implique guère la “détermination” de nos sentiments ni que le peintre puisse décider quel sentiment un tableau devrait provoquer. (…) Le sentiment que nous éprouvons pendant que nous regardons un tableau n’est pas à distinguer du tableau ni de nous-mêmes. Le sentiment, le tableau et nous-mêmes sommes réunis en notre mystère.”

  • Extrait de René Magritte, Ecrits complets, Flammarion 2009 cité dans Magritte, ses sources, ses thèmes, son héritage, TTM Editions/Beaux Arts Editions, 2009