Tag Archive: Le sacré

2014

January 3, 2015 11:40 pm Published by

Studio Walter - 2014

  • Fonds Studio Walter des photos trouvées, 2003-2015. Meilleurs vœux !

Moondog et l’ineffable

May 22, 2014 9:56 pm Published by

Moondog

A la recherche du magnifique et apaisant morceau “Viking I” de Moondog, dans le sillon de ma lecture de sa biographie par Amaury Cornut parue au Mot et le Reste, je tombe sur quelques morceaux du disque “Moondog in Europe” qui ce soir pour moi me touchent de cœur à cœur, comme un chant de l’ineffable qu’un enregistrement a porté jusqu’à moi. Les morceaux demandent un abandon : par leur unité, leur absence de dialectique, ils provoquent la pose d’une bande de résistance et invite, de fait, à questionner ses croyances et ses représentations, ainsi que notre rapport à l’enfance mythique, celle sans cesse réécrite, socle de ce que certains d’entre nous essaient de relier.

Il y a dans le livre d’Amaury Cornut la reprise d’un très beau texte de 1982 de Daniel Caux : “Moondog fait partie de ces visionnaires de la musique dont le Nouveau Monde semble être une inépuisable pépinière. De ces créateurs non conformistes et solitaires, déconcertants d’ingénuité, qui ont l’audace de faire fusionner leur univers imaginaire avec leur existence quotidienne. Si l’on entend par naïveté une notion de fraîcheur, de sincérité et de grâce naturelle dans l’expression, alors oui, la musique de Moondog est naïve. Il faut savoir la recevoir sans préjugés.”

Ce soir, en écoutant Moondog du bord de l’image, enveloppée par l’appel de la beauté, un ensemble de points à moi se présentent qui, par leur mise en séquence, s’augmentent d’une nouvelle couche de valeurs et de sens sans pour autant être encore agrégées. C’est un moment flou où des souvenirs comme des œuvres, des notions ou des personnes, telles qu’on se les figure de façon empathique, se rapprochent et se superposent sans pour autant encore s’articuler. Des éléments de mon histoire, en tant que composition de mon identité, essaient de s’y relier pour y trouver un espace contracté, inductif, où elles pourront ensemble se coordonner et s’élever.

Ecouter Moondog et tous les artistes singuliers, dont l’œuvre est en sincérité, ouvrent comme les galeries que l’amour creuse un chemin vers soi, vers ce qu’on ne sait pas encore épeler. Ils sont des chemins vers l’ineffable comme image, avant que le langage soit articulé. En écoute de Moondog, l’épiphanie se passe : l’image n’est plus pour moi coupée du langage, étant sa condition-même et mère, le seul lieu depuis lequel il puisse être élancé. C’était une chose que je savais, mais qui ce soir, avec Moondog et sa musique, comme étendue de l’inénoncé, pour moi s’est éclairé.

L’ineffable comme ce qui demande à être éclairé, et préface de ce que nous allons articuler, énoncer, constituer : dans l’espace flottant de Moondog, ce soir, l’image ne m’est plus un territoire prohibé et devient le leimôn des grecs peut-être, la plaine de la vérité, depuis lequel la pensée peut s’élancer.

Une boucle comme un circuit, où les polarités se fondent pour former un noyau, s’établit. Les contradictoires se rencontrent, se contractent et forment un nouveau plateau, un nouveau socle, toujours un peu plus proche de soi, pour déplier une volonté qui nous soit à chaque fois un peu plus propre, où le presque rien de l’image, le bout de sa langue, posent en nous le courage de dépasser, objet par objet, ce qui en nous pouvait jusqu’alors nous sembler dissocié. Réconciliée !

    • Moondog, “In Europe”, 1977 (streaming album complet sur YouTube)
    • Amaury Cornut, “Moondog”, Le Mot et le Reste, 2014
    • Pierre Hild, “Moondog légende”, Les Editions de l’Attente, 2007
    • Alexandre Dubouloz, “La croisière vers l’autre côté” in Jérémie Gindre, “Crawl & Sédiments”, Kunsthaus Baselland, Edition Fink, 2005
    • Stefan Lakatos et Dominique Ponty jouent Moondog, vidéo au festival BBmix 2012
    • Egalement : André Hardellet (“Le seuil du jardin”, 1958), Jean-Jacques Wunenburger, Faouzi Skali, Helga de la Motte-Haber, Alberto Ruy-Sánchez, Jacqueline et Daniel Caux, Pierre Bastien (interview, 2004), ma mère Danielle Bonniol-Ferrus, Albert Ayler, certains portés plus largement que d’autres en moi.
    • A la suite : Tibor Szemzö (“Water Wonder”), Gilbert Durand, Henry Corbin, Françoise Bonardel, Stéphane Lupasco, Anaïs Rolez.
    • L’ineffabilité (Wikipédia)